dimanche

On ne badine pas

Je t'ai adressé un e-mail pour te dire que c'était fini. Tu m'appelles cependant comme si de rien n'était et laisses sur mon répondeur un message pour que nous allions bientôt voir "La piel que habito". Désemparée, j'envoie un sms te demandant si tu n'as pas lu mon mail; ironie du sort, tu n'as plus d'Internet.
Si j'ai choisi l'e-mail c'est pour son côté pratique: clarté, commodité, pas de confrontation -réelle ou téléphonique- embarrassante hélas inutile pour l'un et l'autre. Me voilà forcée de dire en peu de mots mais explicitement tout ce désagrément. Cela tiendra là-dedans: "en amis". Quand tu me rappelles le lendemain, le message est enfin passé puisque tu dis: "Je n'ai pas compris (...) J'ai très bien compris (...)(...?!) Je voudrais qu'on se voie pour savoir et comprendre. Je pense que tu me dois bien ça; en vertu de ce qui s'est passé entre nous, ce qu'on a pu ressentir l'un pour l'autre, parce que je pense que ça a été réciproque (...)(...?!) J'accepte d'être ton ami."
"Je te dois bien ça"... "Je te dois bien ça"?!... Je te dois quoi? Je te dois quelque chose, moi? Moi qui mets un point d'honneur à n'avoir jamais aucune dette d'aucune sorte, je te dois quelque chose, à toi? Qui es-tu? Comment oses-tu? Me provoquer. Toucher à ma liberté chérie.
Tu ne peux pas. Je t'interdis. Je te méprise. Etre amis? Oublie!
Après avoir pensé te pourrir sans délai, puis pensé laisser pourrir, je décide d'accepter pour te mépriser à bout portant. Tu l'auras ton duel; puisqu'il y a eu provocation il y aura réparation, mais sans doute pas celle que tu attends.

Le temps est à l'orage. Tu es en retard.
Tu as eu du mal à me reconnaître: je suis désormais rousse.
Le dur a chassé le doux, dans le ton le regard les manières. I don't care. Tu pourras toujours dire ou faire, tu as prononcé les mots qui me rendent invincible, "Je te dois bien ça"...
Tu tentes de me coincer, tu chicanes, tu nies, tu m'opposes, tu t'escrimes... rien n'y fait. Invincible. Doublement quand tu me jettes à la face pour me défier, qu'en fait, tu avais bien reçu mon mail mais que pour t'assurer ma présence tu as joué l'idiot le plus longtemps possible. "Bravo!", c'est tout ce que j'ai à dire. Comme tu ne comprends pas, il faut encore que j'explique pourquoi ceci vient accréditer ma décision, ce mensonge; Le mensonge.

Nous serons face à face une heure à cette terrasse de café où tu ne proposeras pas de consommer. C'est triste, j'avais anticipé un truc du genre; mesquin. Ce n'était pas ce scénario-là mais ma variante: je t'imaginais commandant un soda et demandant si je prendrais quelque chose; à quoi je répondrais, "Si tu m'invites... Je veux dire si tu m'invites vraiment. Pas comme cette première fois où tu m'as "invitée" au restaurant en divisant l'addition par deux sans oublier de me faire payer les deux verres de vin que tu avais bus".
Nous serons face à face une heure à cette terrasse de café où je comprendrai pourquoi, "Je te dois bien ça", et le reste... Car tu souffleras: "Avec toi, je me sentais pousser des ailes". Tu me rappelleras J'aime regarder les filles, conviant Musset -On ne badine pas avec l'amour-, tout droit sorti de ton sac à dos: "On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière ; et on se dit : “J'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui.”

Tu m'as aimée...