dimanche

La confession d'un enfant du siècle

"Il y a trois mois que je vous vois, et un mois que je me suis aperçue que vous preniez pour moi ce qu’à votre âge on appelle de l’amour. J’avais cru remarquer en vous la résolution de me le cacher et de vous vaincre. J’avais de l’estime pour vous; cela m’en a donné davantage. Je n’ai aucun reproche à vous faire sur ce qui s’est passé, ni de ce que la volonté vous a manqué.
Ce que vous croyez de l’amour n’est que du désir. Je sais que bien des femmes cherchent à l’inspirer; il pourrait y avoir un orgueil mieux placé en elles, de faire en sorte qu’elles n’en aient pas besoin pour plaire à ceux qui les approchent. Mais cette vanité même est dangereuse, puisque j’ai eu tort de l’avoir avec vous.
Je suis plus vieille que vous de quelques années, et je vous demande de ne plus me revoir. Ce serait en vain que vous tenteriez d’oublier un moment de faiblesse; ce qui s’est passé entre nous ne peut ni être une seconde fois ni s’oublier tout à fait.
Je ne vous quitte pas sans tristesse; je fais une absence de quelques jours; si, en revenant, je ne vous trouve plus au pays, je serai sensible à cette dernière marque de l’amitié et de l’estime que vous m’avez témoignées.
Brigitte Pierson"

La confession d'un enfant du siècle, Alfred de Musset